Actinistiens, pétromyzontides et autres dipneustes

Après une bonne nuit de sommeil, c'est frais comme un gardon que j'aborde cette tant attendue journée, synonyme de départ pour l'Irish Open Poker de Dublin.

Connaissant ma mémoire de poisson rouge, je passe consciencieusement mes bagages en revue: livres, ordinateur, espace vide pour mettre la coupe et les billets de 500€, transformateur, ... Je vais être chargé comme un mulet. Je plie précautionneusement ma feuille d'enregistrement et prend la route vers l'aéroport de Gosselies.

A peine arrivé sur l'autoroute que ma moitié me crie: "Arrête!". J'obtempère et évite de justesse un gars, le pied sur le turbo, qui me fait une queue de poisson. Le voyage a bien failli se terminer en ce lieu mais Saint Pierre veillait. Nous aurions pu finir sur le billard ou en julienne.

Arrivée à l'aéroport et adieux à ma chère et tendre. Salle des pas perdus avec sa faune hétéroclite: un vieux loup de mer visiblement perdu, une roussette plate comme une limande, une vieille au look de Bardot agrippée au bar en compagnie d'un maquereau et un grenadier plus british que nature avec la raie au milieu.

Badges enregistrés, je passe les contrôles. Ca ne coupe pas et je déclenche l'alarme du portique. Un gars, enflé comme une civelle, s'approche de moi et m'interpelle de vive voix: "Levez-les bras, fouille". Le maigre me papouille. "Arf", c'est qu'il y prend du plaisir et me fait même les beaux yeux! Quelle galère. Finalement, il m'abandonnera pour une autre proie, un sosie de Barracuda, le black boddybuildé de la série télévisée.

Après un voyage sans encombre, coincé comme des sardines entre un thon famélique et une baleine gironde, j'arrive à destination. Dublin est tristounette, les nombreux nuages font de l'ombre sur la ville aux mille et une portes colorées.

J'arrive à l'hôtel Burlington dans lequel se déroule le tournoi tant convoité. Quelques groupes discutent, l'ambiance me semble lourde. Visiblement quelque chose d'inhabituel se passe, il y a anguille sous roche. Je me dirige vers l'accueil. Un grand échalas aux yeux de merlan frit me fait face: "Hello Sir". "Hi", je lui tends mon passeport belge et dans un anglais approximatif lui réclame les clefs de ma chambre ainsi que mon bracelet, sésame pour le tournoi.

Colin Fisher, une étiquette fièrement accrochée à son poitrail témoigne de ce patronyme, prend un air contrit et m'annonce en prenant soin de découper chaque mot pour que je comprenne bien: "GRIE - VED - MIS - TER - NO - TOUR - NA - MENT - FOR - THE - BEL - GIANS"

Les syllabes s'immiscent dans mon cerveau, font leur petit bonhomme de chemin. "NO - TOUR - NA - MENT", "NO - TOUR - NA - MENT"! L'oxygène me manque, je deviens marbré, je me sens mal.

Patiemment, il m'explique qu'il est obligé d'appliquer la législation belge entrée en vigueur dans la nuit. Ma qualification étant le fruit d'un tournoi en ligne illégal, je ne peux participer au tournoi ni prétendre au séjour hôtelier. Je suis déconfit, je suffoque comme un poisson hors de l'eau.

C'est alors que le gars éclate de rire en hurlant: "APRIL FOOL, APRIL FOOL"
P..., j'ai mordu à l'hameçon, quel fish!

Que le flop soit avec moi ...

Actinistiens, pétromyzontides et autres dipneustes: il s'agit de différentes classes de poisson dont certains représentés se sont égarés dans ce billet.